Lettre au ministre de l'inculture

Quelques semaines après la mise en ligne de l'atroce site de désinformation du ministère de la culture, un petit mot doux à RDDV pour lui dire tout le mal que je pensais du projet de loi DADVSI ...

Voici la lettre envoyée à Renaud Donnedieu De Vabre :

Monsieur le ministre de la Culture,

Je suis avec attention tout ce qui concerne le projet de loi DADVSI depuis ses débuts (çàd la directive européenne votée en 2001).

Le rapporteur du projet de loi, le Premier Ministre et vous même ne cessez de répéter depuis ses débuts que ce projet de loi est bon.

Je ne sais pas s'il sera réellement favorable aux artistes, à part engraisser encore un peu plus les majors, je ne vois pas quel impact positif il pourrait bien avoir.

Quoiqu'il en soit, j'ai la certitude que ce projet de loi ne m'apportera, à moi, rien de bon. Si jamais je suis fiché aux R.G., j'espère être classé dans la catégorie des honnêtes citoyens : je reverse un peu plus de 13% de mes revenus annuels aux impôts (merci au passage pour le gaspillage d'argent public lié à la mise en service de votre simulacre d'espace de communication, j'ai nommé lestelechargements.com), je paye abondemment la redevance sur les supports vierges, quand bien même ces derniers ne servent qu'à stocker des sauvegardes de mes documents personnels, j'ai consacré 2,5% de mes revenus 2005 pour acheter de la musique ou des films, aller au cinéma (quoique sur ce coup là, à près de 10 euros la place, j'ai du faire des choix), ou aller applaudir des artistes sur scène, et (quel rebelle !) je ne pratique pas le téléchargement illicite.

Monsieur le ministre, je suis - et je resterai quoiqu'il arrive - un farouche défenseur du droit d'auteur, au sens noble de ce terme, car je suis moi même dans une certaine mesure un créateur, étant à mes heures perdues concepteur d'oeuvres de l'esprit dans l'univers numérique (communément appelées "logiciels").

Mais, Monsieur le ministre, je suis surtout farouchement opposé à ce que - pour des raisons purement mercantiles, et alors que je verse mon aubole à l'industrie culturelle plus que de raison - l'on m'ôte le droit fondamental de jouir d'un bien acquis de manière licite de la façon dont je le souhaite dans le cadre de ma sphère privée. Ce qui aura inexorablement lieu lorsque toute votre usine à gaz concernant les DRM/TPM/DCU sera passée en force à l'assemblée.

Qu'y gagnerai-je ?

L'obligation d'utiliser des produits certifiés Apple ou Microsoft pour pouvoir bénéficier des nouveaux média numériques ? Très peu pour moi.

L'obligation de changer tout mon équipement audiovisuel ? A moins que le Trésor Public ne m'oublie pendant quelques années, c'est hors de question. D'autant plus que je suis très satisfait de mon installation actuelle.

L'obligation de devoir racheter sous une forme DRM-isée les 400 CDs qui constituent ma discothèque actuelle, dans une qualité moindre que celle de mes originaux ? Soyons sérieux !

Devenir locataire de la culture (référez vous à ces offres de location illimitées super chouettes qui doivent pointer le bout de leur nez une fois les DRMs légalisés, et qui sont mises en avant sur votre pseudo site web) ? Non merci, ça me coûte déjà assez de ne pas pouvoir devenir propriétaire de mon logement sans devoir m'endetter sur 40 ans.

La seule chose que j'aurai gagné quand cette loi sera passée, ce sera une restriction de mes libertés individuelles par la criminalisation de mes usages licites actuels (lecture de mes originaux sur les lecteurs de mon choix, au format de mon choix, moyennant conversion quand celà s'avère nécessaire).

Et les artistes dans cette affaire, qu'y gagneront-ils ?

En ce qui me concerne, ils perdront tout : - Je n'achèterai plus rien qui soit estampillé DRM, dans la mesure où je ne serai pas assuré de pouvoir en jouir comme bon me semble (ne serait-ce que le fait que je sois limité dans le nombre de copies réalisables constitue à mon sens un trouble de jouissance suffisant) - Je ferai venir des disques vierges de l'étranger (pourquoi continuer à payer une taxe pour de la musique dont je ne peux pas bénéficier ?) - Au mieux j'irai acheter de la musique sans DRM sur un site russe, au pire - mais c'est hélas le plus probable - je me mettrai à la pirater (étant informaticien, je peux vous garantir que le cryptage et l'anonymatisation des connexions peer-to-peer seront bientôt là, je n'aurai donc pas grand chose à redouter des e-milices que vous seriez tenté de mettre en place)

Seuls les artistes qui donneront des concerts auront encore les faveurs de mon porte-monnaie.

Monsieur le ministre, j'espère sincèrement ne pas avoir à en arriver à ces extrêmités. Je respecte trop les artistes pour les priver des revenus qui leur sont dûs. Mais franchement, si l'on m'y contraint, comme vous vous apprêtez à le faire en faisant voter ce texte sans avoir répondu aux inquiétudes et attentes justifiées des différentes parties en présence, alors, Monsieur le ministre, je n'hésiterai pas à transgresser une loi injuste. Et je crains pour vous de ne pas être un cas isolé.

Pour conclure, Monsieur le ministre de la Culture, il existe très certainement des mesures beaucoup plus équilibrées que celles que vous nous avez proposées qui pourraient être mises en oeuvres pour que chacun, artistes, éditeurs et public puisse y trouver son compte. Alors, de grâce, prenez le temps de remettre l'ouvrage sur le métier, de laisser un _vrai_ débat public avoir lieu, dans la sérénité. Les conséquences désastreuses, par effets de bord directs ou indirects, du projet de loi actuel sont trop nombreuses et trop graves pour que vous continuiez à affirmer qu'il est bon et pousser la majorité parlementaire à le voter en l'état.

Dans l'espoir que ces mots arriveront jusqu'à vous et que vous y serez sensible, veuillez recevoir, Monsieur le ministre de la Culture, mes cordiales salutations.

Je n'ai - bien entendu - jamais reçu de réponse de sa part ...

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